Produire des Ressources Éducatives Libres
Les Ressources Éducatives Libres (REL) sont un concept assez flou aussi bien sur le terme « Ressources Éducatives » que sur le mot « Libres ». Selon les acceptations, les ressources éducatives couvrent aussi bien, les images, sons, vidéos que les logiciels, voire des cours complets… Et « libres » souvent n’est pas libre… car des clauses telles que NC (non commercial) et ND (pas de dérivation) sont contraires au concept de liberté. Wikipédia licences libres
Je vais présenter ma façon de voir en utilisant l’exemple du logiciel Images Séquentielles.
Tout d’abord, une petite présentation : je suis enseignant en France dans les écoles maternelles et élémentaires en zone rurale depuis 1980, j’ai vu à ce titre passer un certain nombre de « Plans » : Informatique Pour Tous, École Numérique Rurale, pour ceux qui m’ont le plus marqué. D’un autre point de vue, je suis passionné d’informatique tant dans ses usages que dans son fonctionnement, et c’est pour cela que j’ai appris à développer des logiciels éducatifs. De plus étant maitre formateur, j’ai été amené à cotoyer bon nombre de mes jeunes collègues et à les observer dans leurs pratiques de classe.
La question du partage de ressources éducatives (je ne dis même pas libres) n’est pas une question que l’on se pose naturellement. Au mieux, on cherche quelques banques de données, ou images pour illustrer un cours, une fiche toute prête avec des exercices de conjugaison… J’y vais peut-être un peu fort, mais… Mettre une fiche de préparation à disposition des collègues n’est vraiment une question qui se pose, et ce n’est pas, à mon avis, une question de technique, ni de manque d’information sur le comment faire.
Fort de ces observations, je n’ai plus qu’à retourner regarder la télé… Ou bien alors réfléchir à ce que je peux faire pour produire des ressources éducatives libres, et qui puissent être réutilisables réutilisées. Je parlerai dans un autre billet du modèle SAMR. C’est certainement une piste ! Proposer des REL qui ne bousculent pas les gens en leur disant combien ils étaient nuls avant et combien je suis meilleur qu’eux . Non, les logiciels, les ressources que nous créons dans le cadre de l’association AbulÉdu-fr en partenariat avec la société Ryxéo doivent permettre de s’approprier les outils, les ressources libres et aussi faciliter la production de REL.
Je vais prendre l’exemple du logiciel « Images séquentielles » que j’ai développé. Une documentation utilisateur est disponible en version de tests finaux pour ceux qui voudraient avoir une idée plus complète du logiciel. Dans ce logiciel, il s’agit en particulier de travailler sur des images dites séquentielles : elles devront être remises en ordre par l’enfant. Il s’agit bien dans le modèle SAMR de l’étape S Substitution : c’est une pratique courante en classe maternelle et en première année d’école élémentaire (CP). Si on s’en tient au logiciel brut d’installation, il ne sert pas à grand-chose avec seulement 5 modules proposés ! C’est à ce moment qu’une fonctionnalité devant favoriser le partage des REL trouve sa place : l’accès depuis le logiciel à une banque de ressources spécialisée pour ce logiciel. Dans cette banque, que nous avons appelée Médiathèque, sont indexés tous les modules produits par les contibuteurs et validés par des modérateurs.
Avec Images séquentielles, on est aussi dans l’étape A Augmentation car le logiciel propose des fonctionnalités d’évaluation, un enregistrement des actions de l’élève… On s’approche aussi de la phase M Modification dans l’activité Enregistre-toi dans laquelle l’élève doit s’enregistrer en utillisant un micro, il pourra alors s’écouter raconter l’histoire, lire un texte imposé… une rétro-action pouvant alors être proposée aux pairs. Cette activité sans être révolutionnaire nécessite quand même une petite réorganisation de la classe, aussi bien matérielle que pédagogique, afin que l’élève puisse s’engager davantage dans ses apprentissages.
C’est une première étape, mais ce n’est pas tout, on a bien des REL disponibles (facilement accessibles), mais l’usage en classe n’en est pas encore vraiment facilité. C’est pourquoi, lorsque je prépare ma classe en créant ces modules, je crée (d’abord pour ma classe) d’autres « objets » des fiches avec les images du module, des livrets pliables reprenant l’histoire, des fiches à colorier, des éléments d’images (personnages, objets, décors…) à découper et à coller pour réinventer d’autres histoires. J’en profite aussi pour créer d’autres modules pour d’autres logiciels tels que « Contour » (travail sur la numération), « Mulot » (apprentissage de la souris) qui reprennent les images et situations de l’histoire de départ. Il est aussi possible de décliner certains modules en fonction de besoins particuliers que certains élèves pourraient avoir. Le concept est même poussé un peu plus loin encore par la société Ryxéo qui éditera des livrets papiers sous licence CC-BY-SA reprenant les histoires.
Finalement, je me retrouve avec un ensemble d’objets éducatifs cohérents réutilisables, distribuables, modifiables qui ne perturberont pas l’enseignant. L’éditeur intégré aux logiciels lui permettra même de modifier simplement et rapidement ces REL et peut-être un jour de devenir lui-même contributeur.
C’est par une familiarisation aux outils, qui ne remettent pas en cause le statut de l’enseignant, puis par une espèce de contamination marginale que l’on peut espérer faire acquérir cette notion de REL aux enseignants. Le vrai problème résidant peut-être dans la formation initiale et continue des enseignants, mais il faudrait aussi que les formateurs… (Je vous laisse compléter)
Dans le cadre du projet AbulÉdu, nous n’en sommes peut-être qu’au début de cette démarche globale (bien que le projet ait une quinzaine d’années d’existence). Le travail a commencé par la création d’une banque de ressources brutes (images, textes…) qui compte à ce jour plus de 20 000 références, puis nous en sommes aux derniers tests des logiciels (une quinzaine) et la production de modules a débuté avec environ 300 modules validés. Cet ensemble représente 4 ans de travaux intensifs qu’il reste à valoriser
Crédit image : « Bibliothécaire » sur Data