Lundi, nous apprenions que le Ministère de l’Éducation Nationale avait signé un « parternariat » avec Microsoft ; celui-ci visant à renforcer « l’accompagnement proposé par Microsoft dans le cadre du Plan Numérique à l’École en cours de déploiement ». En tant qu’association promouvant des solutions libres et éthiques dans les écoles, ce type de partenariat nous dérange autant qu’il nous choque.
Il nous choque tant il donne l’impression que Microsoft achète à l’EN ses futurs utilisateurs et au-delà leurs données personnelles qui pourront être monnayées et revendues. En effet, pendant leur scolarité, les élèves, collégiens et lycéens seront formés à utiliser les outils et logiciels Microsoft par leurs enseignants (eux-même formés par d’autres enseignants : le réseau MSProfExpert, vous connaissez ?). Vers quels outils se tourneront ces jeunes une fois devenus adultes ? L’esprit critique, la distanciation nécessaire vis à vis du fonctionnement du numérique ne leur aura jamais été apprise (Où sont stockées mes données ? Qui y a accès ? Que se passe-t-il lors de la mise à jour de mon système d’exploitation ? etc.) : ils feront confiance aveuglément aux outils qu’ils connaissent et deviendront des clients de Microsoft. Ça ressemble fichtrement à un retour sur investissement….
Ce partenariat nous inquiète pour plusieurs raisons. D’une part il semble n’être qu’une étape dans une stratégie plus évoluée qui remonte à au moins quatre ans :
D’autre part, il permet à Microsoft d’intégrer ses solutions de suivi personnalisé de l’évolution de l’apprentissage de chaque élève avec des « algorithmes d’analyse ». Il est certes précisé que ces algorithmes devront faire l’objet d’un « suivi éthique et juridique » mais est-il réellement possible d’analyser un algorithme dont le code source est protégé ? Les récents événements concernant le logiciel permettant de fausser les tests antipollution et implanté dans certains véhicules nous laissent perplexes. Il y a quelques années, l’arrivée de BE1D avait soulevé une vague de protestation alors que les données étaient stockées en France, sur une application du MEN, et disponible uniquement aux directeurs et IEN (et partiellement aux municipalités). Huit ans plus tard, nous sommes prêts à laisser un accès libre à Microsoft à la scolarité complète de nos élèves ???
Enfin, il nous inquiète car il est raisonnable de penser que les autres géants du numérique (GAFAM) et en particulier Google et Apple vont à leur tour proposer ce type de partenariat.
Pourtant il existe des solutions libres, éthiques, respectueuses des utilisateurs et adaptées au système éducatif. Ces solutions, allant du logiciel aux services de cloud, permettent aux élèves d’exercer leur esprit critique, tout en formant une diversité d’offres non hégémonique garantissant l’indépendance.
Parmi ces solutions et ces acteurs, il y a bien sûr Framasoft et son initiative « degooglisons internet« , nos copains de l’April et de Primtux et tant d’autres… Bien évidemment, il y a aussi AbulÉdu, en mesure de proposer diverses solutions allant du serveur au système d’exploitation en passant par les logiciels et autres services (réseau social, nuage, entrepôt de données, etc.), le tout sous licence libre, hébergé en France, respectueux de ses utilisateurs et développé par une communauté dont une entreprise basée en France et payant la totalité de ses impôts à l’État français (à l’inverse de Microsoft).
Pour toutes ces raisons, nous avons décidé de cosigner le communiqué de l’April et que dans les prochains jours nous enverrons également un courrier/courriel au Ministère de l’Éducation Nationale afin de présenter notre position. Si vous avez encore un peu de temps, nous vous invitons à (re)découvrir la réaction de Framasoft à ce sujet (en plus TabulEdu y est citée : merci les ami(es)).